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HERBICIDES Le casse-tête de la gestion des résistances

Certains gènes d'adventices leur permettraient de résister à des herbicides qui n'ont pas encore été utilisés. C'est pourquoi, la prévention et le diagnostic doivent encore s'intensifier.

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Les adventices font de la résistance. Et cette résistance semble presque contagieuse tant elle est capable de se transmettre rapidement. On le sait, depuis plus de quinze ans, plusieurs graminées adventices sont devenues résistantes aux herbicides inhibiteurs de l'ACCase (fops et dimes) dans de nombreuses régions en France. Dans un deuxième temps, l'usage systématique et unique des herbicides inhibiteurs de l'ALS (sulfos) a sélectionné de nouveaux résistants capables de détoxiquer les deux familles d'herbicides. En Grande-Bretagne, le problème du ray-grass résistant fait l'objet de fortes inquiétudes, relayées officiellement par le BCPC (British Crop Production Council). En France, la sélection de résistants chez le vulpin et le ray-grass a été rapide et les chercheurs s'efforcent de comprendre pourquoi.

C'est maintenant acquis, ces adventices résistent par plusieurs mécanismes : mutations de cible et détoxication. Comme l'expliquait Jacques Gasquez, de l'Inra, lors des journées du Columa en décembre à Dijon (1) : " L'utilisation exclusive de sulfonylurées, même si elle semble plutôt efficace au départ, finit par sélectionner les plantes qui détoxiquent les deux familles de produits. "

Détoxication multiple

Très rapidement après l'introduction de sulfos antigraminées sélectives du blé (méso-iodo), des cas d'échecs ont été signalés en France. Parmi les premiers exemples confirmés, aussi bien pour le vulpin que le ray-grass, il a été montré qu'il s'agissait certainement de résistances de cibles sélectionnées parmi les innombrables plantes résistantes aux fops qui avaient déjà envahi la parcelle. Mais devant la multiplication des échecs de désherbage de ces deux graminées avec des sulfos, ce type de résistance semble avoir été supplanté par d'autres mécanismes de résistance, en particulier, la détoxication.

Allant plus loin, les études de l'Inra décrivent la présence de gènes dans les plantes qui leur permettent de résister à des substances qui n'ont pas encore été appliquées sur la culture. C'est un phénomène plutôt inquiétant. II a été appelé : contrôle génétique de la résistance non liée à la cible (RNLC). Selon Cécile Petit de l'Inra : " La RNLC sélectionnée par des herbicides commercialisés peut conférer une résistance croisée à d'autres herbicides de mode d'action différent et/ou non encore commercialisés. Dès lors, alterner les substances ou les modes d'action peut s'avérer inefficace. "

Lutte agronomique et évaluation du risque

Sur quelles solutions miser alors pour contrer les graminées résistantes ? Il reste des substances actives encore non concernées par la résistance. Selon les travaux de Syngenta, la résistance non liée à la cible ne compromet pas les performances des herbicides racinaires (pendiméthaline, prosulfocarbe…). Les bonnes pratiques culturales doivent faire partie des mesures. Par exemple, le labour pratiqué après un échec de désherbage peut être la clé dans la lutte contre la propagation des résistances chez le vulpin. En effet, il permet un enfouissement des graines à une profondeur souvent supérieure à 10 cm, limitant ainsi leur levée. Les succès de germination du vulpin en dessous de 8 cm sont très faibles. Dans tous les cas - résistance avérée ou suspectée - les mesures agronomiques deviennent la règle. Dans les situations où les résistances sont installées, un programme de désherbage en deux temps avec un herbicide racinaire à l'automne, reste fortement recommandé.

A noter : une grille d'évaluation du risque résistance vulpin et ray-grass aux antigraminées foliaires est publiée par l'AFPP. Cette grille se base sur plusieurs critères et sur le désherbage effectué depuis quatre ans sur la parcelle. De son côté, Arvalis propose un nouvel outil d'évaluation du risque de résistance en ligne.

De la bonne utilisation du glyphosate

Autre objet de surveillance : la résistance au glyphosate. Une espèce de ray-grass résistante, l'ivraie raide, a été découverte dans le Gard sur une parcelle de vigne en 2006. Confirmé par l'Inra, la résistance a été depuis détectée dans cinq régions viticoles (Pays de la Loire, Charente, Aquitaine, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon). Des enquêtes de terrain ont permis de montrer que de mauvaises pratiques d'utilisation du glyphosate en viticulture pouvaient être à l'origine de la résistance. Dans le cadre d'une gestion de la résistance, un dispositif de surveillance est en place sur raygrass, mais aussi sur d'autres adventices, érigeron et ambroisie.

Les essais par le groupe Columa-Vigne montrent que plusieurs solutions permettent de résoudre dès la première année les problèmes de fort recouvrement de ray-grass dus notamment à des situations de résistance au glyphosate. Elles ont fait l'objet de recommandations via la note pratique d'utilisation des herbicides sur ray-grass au vignoble, diffusée par l'AFPP. On peut, par exemple, recourir à des solutions de postlevée : Stratos Ultra à 2 l/ha ou Katana à 0,2 kg/ha ou encore Kerb Flo en application d'automne. En prélevée : Stratos Ultra à 2 l/ha, puis Pledge à 1,2 kg/ha en application successives ou Stratos Ultra à 2 l/ha plus Katana à 0,2 kg/ha. Les efficacités de ces solutions sont estimées à environ 85 %. Dans les situations de résistance, l'utilisation du glyphosate seul ou en association reste fortement déconseillée. Là aussi, le groupe Columa-vigne encourage à combiner des moyens de désherbage mécanique avec les herbicides, en pratiquant l'alternance des familles de produits.

Anne-Marie Laville

(1) Journées internationales sur la lutte contre les mauvaises herbes, organisées par l'AFPP, les 8 et 9 décembre 2010 à Dijon.

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